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LA RÉSIDENCE PARITAIRE

 

A deux pour le faire , à deux pour l'aimer,
 à deux pour l'élever

Souffrances et carences éducatives chez les enfants, souffrances et démotivation du côté des pères, surcharge et confusion pour les mères : le bilan des modalités actuelles des séparations conjugales est beaucoup trop souvent désastreux.

Une des voies essentielles pour améliorer les choses, c'est la résidence paritaire, à savoir simultanément :

• l'hébergement de l'enfant à mi-temps chez chacun de ses deux parents,

• la reconnaissance légale et administrative de cette double résidence.

Ainsi , en cas de séparation conjugale, le principe souvent proclamé du maintien de la coparentalité trouverait enfin un contenu concret tandis que disparaîtrait l'enjeu de la "résidence habituelle" unique, qui constitue un facteur omniprésent de déchirements procéduriers

Malheureusement, cette voie a été obstruée jusqu'à présent par des préjugés du type : "Les pères au travail à l'extérieur (et payeurs de pensions), les mères à la maison (et "gardant " les enfants).

Ces préjugés sous-tendent des textes de loi, ils sont incrustés dans les conceptions des acteurs institutionnels (juges, avocats, enquêteurs sociaux ...) ils s'appuient sur des savoirs psychologiques partiellement biaisés et obsolètes, ils imprègnent enfin les mentalités de beaucoup de mères et de trop de pères.

Toutefois, de déclarations d'intentions politiques en rapports d'experts, il semble qu'un désir de changer agite les décideurs, suite à l'expression multiforme des insatisfactions, suite aussi à l'évolution des esprits vers un rééquilibrage des rôles entre hommes et femmes dans notre société.

Dans les débats ouverts, notre association entend intervenir à partir de sa pratique d'aide aux pères en désarroi comme de ses réflexions propres.

 

1. Les faux-semblants de l'exercice en commun de l'autorité parentale

Une priorité au parent bénéficiant de la résidence habituelle est reconnue par certaines administrations (allocations familiales, Éducation Nationale ...) et contribue donc à vider de son contenu la notion introduite par les lois de 1987 et 1993.

De toutes façons, pour le parent exclus du quotidien de son enfant et parqué dans des droits de visite (le père dans 80% des cas), l'exercice en commun de l'autorité parentale n'est qu'une potiche, vide de toute possibilité d'épanouissement affectif et éducatif.

Pour les enfants de ces "pères 1-3-5 ", la fuite dans les conduites à risques (risques pour eux et pour la société : échec scolaire, drogue, délinquance …) peut alors se présenter comme l'échappatoire à leur mal-être.

 

2- Les obstacles juridiques et judiciaires actuels contre la résidence paritaire.

Cotés textes, certes, l'article 287 du Code Civil, ne prohibe pas explicitement ce que nous appelons la Résidence Paritaire, mais il se prête à l'interprétation prohibitive qui en est généralement tirée par les juges. Il est urgent de remplacer ce texte par un autre (voir encadré "Mmes, Mrs les juristes ...").

 

Pour ce qui est des JAF (Juges aux affaires familiales) chargés d'appliquer la loi et d'apprécier "l'intérêt de l'enfant", une enquête de 1994 (G. Neyrand, voir ouv. cité ci-dessous) en dénombrait environ 7 à 8 sur 10, ne voyant "que des aspects négatifs" à la résidence alternée, c'est-à-dire paritaire). Et cela en s'abritant derrière une prétendue "opinion des psychologues" mal interprétée et surannée (voir ci-après).

Quant aux enquêteurs psycho-sociaux, leur compétence est parfois douteuse, et dans la mesure où ils sont diligentés par les JAF, ils tendent, en tout cas dans les conclusions de leurs rapports, à aller au devant des attentes de ces derniers.

Il en est de même de beaucoup d'avocats. Bien que personnellement moins fréquemment hostiles à la résidence paritaire que les juges, ils anticipent la réaction négative des JAF et censurent dans leurs conclusions les aspirations des pères à des solutions de type paritaire.

Globalement, l'appareil juridico-judiciaire actuel a donc un fonctionnement anti-paritaire, c'est-à-dire sexiste. Des pères en arrivent à croire qu'il est interdit de solliciter la résidence principale de leurs enfants ou un partage égal de l'hébergement, parce que le "1-3-5" serait écrit dans la loi ! Tout cela reposant à la base sur une véritable institutionnalisation de fait de la vieille idéologie "Père = travail / mère = enfants"!

• Mais, répondra-t-on, on peut s'affranchir des droits de visite "usuels" ou "habituels" tristement stéréotypés dans tant de jugements : il suffit que les parents se mettent d'accord sur de meilleures solutions ! Hélas, ce n'est pas si simple !

- La Médiation Familiale qui permet de construire de tels accords, est encore trop confidentielle ; et la tentation de la "victoire" remportée dans une procédure de divorce pour faute est trop forte .

- Des juges refusent d'homologuer les conventions trop "paritaires" à leur goût.

- Si les parents décident en commun d'une pratique d'hébergement paritaire faisant fi d'un jugement dont la lettre est conforme à la tradition anti-paritaire (type 1-3-5, un peu élargi ou non), le parent (en général le père) qui ne bénéficie pas de la résidence habituelle de l'enfant dans ce jugement est à la merci d'un changement d'humeur de l'autre.

3- Des obstacles socio-économiques et psycho-sociaux

Les conséquences matérielles d'obstacles institutionnels : si l'un des parents se voit attribuer l'ex domicile conjugal, il en résulte souvent une charge financière importante, à laquelle doit contribuer l'autre parent, ce qui interdit à ce dernier de se procurer un logement équivalent, d'où un déséquilibre dans les conditions d'accueil de l'enfant. Le fisc et les caisses d'allocations familiales n'ont pas non plus intégré la résidence paritaire dans leurs règles de fonctionnement.

Sur un autre plan, dans le monde professionnel, on excusera l’absence d’une mère si son enfant est malade, alors qu’un père aura plus de difficultés pour le même motif. Par ailleurs, ce fait illustre bien notre point de vue sur la complémentarité des exigences des pères en matière familiale et des femmes dans le domaine professionnel ; car si les employeurs tolèrent plus aisément des absences féminines relatives aux enfants, les femmes le paient en termes de carrière professionnelle, dans la mesure où elles ne sont pas complètement disponibles.

Des freins psycho-sociaux existent aussi (toujours la vieille idéologie père = travail / mère = enfants !) :

- Dans les têtes féminines : Trop de femmes entendent affirmer leur totale possession de ceux qu’elles considèrent comme un simple prolongement de leur propre personne: les enfants. Niant le rôle indispensable du père, elles s’efforcent ainsi de confiner leur ex-compagnon dans la marginalité la plus étroite possible voire de l’éliminer de la vie de leurs enfants. Efforts auxquels l'appareil juridico-judiciaire actuel ne collabore que trop efficacement. Mais ces femmes se défendent également, inconsciemment, contre une culpabilité latente dans notre société, suivant laquelle une mère qui n'a pas la "résidence habituelle" ne peut-être "qu'une mauvaise mère".

- Dans les têtes masculines : Combien de pères recevons-nous dont les récits de vie, la connaissance des exigences quotidiennes de leurs petits, les témoignages variés, etc., la pudeur aussi, manifestent avec évidence une relation affective étroite aussi bien qu’une implication éducative forte envers leurs enfants! Mais parmi ceux-là, combien osent affirmer un désir de résidence paritaire ? A l’origine de ce "défaut de demande", il y a certes les effets de censure dus aux dysfonctionnements juridico-judiciaires (voir ci-dessus §2.2), mais il y a aussi une autocensure engendrée par l’emprise de mentalités traditionnelles.

Écrire dans la loi le droit à la résidence paritaire libérerait bien des consciences des deux sexes !

 

4- Chez les psychologues : évolution des idées.

"Tous les psychologues disent que..."

"DOLTO a bien dit que " …la résidence alternée serait contraire à l’équilibre psychologique de l’enfant ballotté, voire déchiré, entre des parents qui "sacrifiaient l’intérêt de leur progéniture à leurs égoïsmes respectifs".

Antiennes maintes fois entendues, le plus souvent de la part de non-psychologues, notamment des juges à la recherche de critères pour définir "l’intérêt de l’enfant" que le code leur fait un devoir d’apprécier, sans le définir.

Il y a là clairement l’effet d’une conception du "père absent" comme norme transhistorique qui, de même que la femme réduite à la seule fonction maternelle, correspond de moins en moins à la réalité contemporaine.

D’ailleurs, on rencontre, même chez Françoise DOLTO, des formulations plus nuancées que ce qu’ont voulu y trouver les opposants irréductibles à l’hébergement équilibré. Sa condamnation portait en effet surtout contre les cas où les enfants étaient changés d’école au rythme rapproché des alternances de "garde", ce que les actuels partisans de la résidence paritaire ne proposent certes pas! (voir ci-après).

D’autres psychologues, eu égard à des études récentes (cf. notamment chez Christiane Olivier - 1994; J. Le Camus et al. 1997, F. Hurstel. 1996), démontrent quant à eux l’importance pour l’enfant dès ses premiers mois d’une implication paternelle forte et proche et son caractère complémentaire par rapport à la relation maternelle. Les pères dont il est question ne cherchent pas à être des "mères-bis", ils veulent être pères autrement, plus proches de leurs enfants (de même les mères qui ont une activité professionnelles hors du foyer ne sont pas pour cela des "pères-bis"!).

Pour ces pères, pour ces enfants, un hébergement paritaire doit sauvegarder les liens qu’ils ont fait naître ensemble, au-delà de l’éventuelle rupture du couple conjugal.

Entre les solutions suivantes :

- confier l’enfant à un seul parent, au prix de l’étiolement voire de la rupture du lien avec l’autre parent;

- confier l’enfant à ses deux parents à travers une résidence paritaire, au prix de quelques contraintes pour les parents (voir ci-dessous 6) ;

... bien des spécialistes, tels qu’Irène THERY, concluent aujourd’hui à la priorité écrasante de la solidité du lien parental sur l’unicité du lieu de vie de l’enfant. Notons d’ailleurs que cette unicité est toute relative actuellement, notamment dans les cas où les grands-parents maternels ou bien "une nounou" gardent très souvent les enfants à leur domicile afin de soulager la mère !.

5. Des pratiquants convaincus

La résidence paritaire, comme la marche, se prouve aussi en la mettant en œuvre, car malgré les obstacles certains arrivent à la pratiquer de fait.

Enquêtant auprès de quelques uns de ces pères, mères et enfants, Gérard NEYRAND, sociologue, conclut que : "...tous les parents qui pratiquent depuis longtemps une résidence alternée la jugent tout à fait bénéfique y compris et surtout pour l’enfant" (Gérard NEYRAND 1994 p. 285). Quant aux enfants interrogés eux-mêmes, ils confirment pleinement l’opinion des parents sur ce point, pourvu que certaines conditions évidentes soient respectées.

Quelques inconvénients sont bien signalés: par exemple la nécessité de faire sa valise pour aller dans son 2ème chez soi — chez papa ou chez maman — mais c’est déjà le cas dans les solutions "1-3-5" ! Par ailleurs, les dégâts psychologiques supposés du fait "d’avoir deux maisons" ne se manifestent absolument pas. En revanche, les avantages affectifs et éducatifs de ce type de solution sont unanimement vantés. Ces points de vue ont d’ailleurs été confirmés par des témoignages circonstanciés produits récemment lors d'enquêtes de presse écrite ou audiovisuelle, comme par des récits recueillis dans nos locaux.

De plus, sans pour cela aplanir miraculeusement toutes les difficultés liées aux séparations, les solutions de résidence équilibrée ont été adoptées largement dans d’autres pays (notamment dans certains États des USA ) lorsqu’elles y ont été légalisées et encouragées.

On est donc aux antipodes de l’idée reçue sur la résidence paritaire comme choix égoïste des parents au détriment de l’équilibre des enfants !

 

 

6 Conditions de réussite

Certaines de ces conditions sont du ressort des parents et des enfants ; d'autres nécessitent des réaménagements institutionnels ; toutes méritent amplement d'être satisfaites, eu égard à l'enjeu majeur que représente la résidence paritaire.

 

6.1 Celles qui dépendent essentiellement des parents

Quel rythme de présence des enfants auprès de chaque parent ? Les exemples réussis sont très divers : alternances infra-hebdomadaires, hebdomadaires (les plus fréquentes), mensuelles, trimestrielles voire annuelles ...

L'unicité de l'école ou de la crèche est incontournable aux yeux de la plupart des observateurs (sauf rythmes annuels ou pluriannuels) pour des raisons tant pédagogiques que psychologiques (groupe de copains ...).

La proximité des domiciles parentaux découle directement de la condition précédente ; est-ce une contrainte ? Certes ; faire des enfants impose des contraintes, qui ne disparaissent pas en même temps que le lien conjugal !

Et si l'un des deux parents désire déménager à une distance rendant invivable la poursuite des arrangements antérieurs, priorité doit être reconnue au maintien de l'enfant dans son milieu, en liaison avec l'autre parent.

La coparentalité est le fondement de la démarche de résidence paritaire ; ce qui suppose de la part des deux parents, non pas obligatoirement une séparation totalement sereine, mais du moins une maîtrise suffisante de leurs rancœurs ex-conjugales. Cette maîtrise peut être "travaillée" dans un cadre adéquat (voir ci-après).

 

6.2 Celles qui dépendent d'un accompagnement institutionnel

Le législateur doit institutionnaliser la résidence Paritaire en inscrivant dans la loi que :

- La résidence paritaire est le droit commun ;

- Les parents déterminent de concert, si nécessaire avec l'aide d'un tiers (médiateur familial ...), les conditions concrètes de sa mise en œuvre ou de son éventuel infléchissement, en cas d'empêchement d'un des deux parents d'assumer la totalité des obligations correspondantes.

Ainsi, les décisions judiciaires devront prendre en compte le Projet Parental des deux parents.

La société doit aider à la pacification des conflits liés aux séparations (voir dernière condition ci dessus) Dans ce but, il faut :

 

- Développer et rendre obligatoire une Médiation familiale compétente, éventuellement complétée d'une aide psychologique, cadre adéquat pour "travailler" le conflit et en permettre la maîtrise (qui ne signifie pas apaisement total, mais suffisant) afin de construire un accord parental ;

- Supprimer les procédures agressives et fortement conflictuelles telles que le divorce pour faute ;

- Sanctionner les irréductibles fauteurs de conflits, en allant à l'extrême jusqu'à prévoir de confier la résidence de l'enfant au seul parent "pacifique" ;

- Améliorer la formation des JAF, avocats et "experts" intervenant lors des séparations. Rappelons qu'en tout état de cause, la Résidence Paritaire est en elle-même un réducteur de conflits majeur ! (Voir début de ce texte)

- Faciliter la disponibilité matérielle des deux parents, et donc, prévoir une répartition paritaire des aides au logement, comme des prestations familiales (allocations, aides à la garde ...) ;

- Ce qui implique également d'inciter et/ ou obliger, les employeurs à accorder des facilités familiales sans discrimination sexiste : des souplesses horaires (horaires variables, mercredi libre...), des tolérances pour absence en cas d’enfant malade...: un homme ne doit plus être mal vu de son employeur s’il demande ce type d’aménagement et il doit les obtenir ; en outre, personne — homme ou femme — ne doit être pénalisé de ce fait dans sa carrière professionnelle.

Il est clair qu’une réduction du temps de travail généralisée vaudrait bien mieux dans cet esprit que des incitations au temps partiel. Ces dernières aboutissent en effet trop souvent dans les faits actuellement à rejeter des femmes hors du marché du travail, et donc à accentuer encore plus les discriminations qui pèsent à la fois sur les femmes dans leur vie professionnelle et politique, et sur les hommes dans leur paternité.

Conclusion

Quelles que soient les vicissitudes de la vie des couples, les enfants ont droit à leurs deux parents, les parents ont droit (et devoirs) envers leurs enfants.

Dans l’intérêt de ces derniers, il faut donner aux pères comme aux mères les moyens d’exercer réellement ces droits. La résidence paritaire est le premier de ces moyens.

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