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LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU REGLEMENT ET DADMINISTRATION GENERALE
Document : | Infos publiées dans une brochure le 11 Avril 98 Sénat Bulletin des commission N°22 page 3504 à 3545. |
Déju, enfant naturel, divorce devant le maire ... | Débat au sénat |
Mercredi 8 avril 1998 - Présidence de M. Jacques Larché, président. La commission des Lois a organisé une journée dauditions publiques sur lévolution du droit de la famille.
Au cours dune première séance tenue dans la matinée, la commission a tout dabord procédé à laudition de Mme Irène Théry, sociologue.
Mme Irène Théry a indiqué que, son audition intervenant à un moment où elle avait été chargée par Mme Élisabeth Guigou, ministre de la Justice, et par Mme Martine Aubry, ministre de lEmploi et de la Solidarité, de rédiger un rapport sur lévolution de la famille tendant à dresser un bilan de létat du droit au regard de cette évolution, elle exposerait simplement devant la commission des Lois son point de vue personnel sur deux questions traitées par elle dans deux articles publiés récemment : la crise de linstitution familiale dune part, le contrat dunion sociale dautre part.
Sur le premier thème, elle a rappelé que les évolutions touchant linstitution familiale suscitaient un débat idéologique opposant une interprétation stigmatisant la crise de la famille comme indice et facteur de décadence morale et sociale à une autre conception appréhendant cette évolution comme un progrès des valeurs de liberté individuelle, dauthenticité et dégalité.
Ayant souligné le caractère par trop schématique, à ses yeux, de ce débat bipolaire, elle a observé quil révélait un accord sur le sens de lévolution sarticulant autour de trois points principaux : le passage de la référence à la famille à celle de lindividu, ou " individualisation " ; le passage de règles communes à des valeurs privées, ou " privatisation " ; le passage de la famille, au singulier, aux familles, au pluriel, ou " pluralisation ". Elle sest cependant interrogée sur la pertinence de ce triple constat conduisant à une " désinstitutionnalisation " de la famille en rappelant dune part, que des enquêtes et sondages récents révélaient limportance des solidarités intergénérationnelles, dautre part, que les attentes sociales se traduisaient par une forte demande normative et, enfin, que les différentes formes adoptées par la cellule familiale, telles que le mariage, le concubinage stable ou la famille monoparentale, constituaient non pas des modèles alternatifs mais bien souvent des séquences dun même cycle de vie familiale.
Reconnaissant lexistence de situations familiales problématiques et lévanescence des repères essentiels, elle a souligné la nécessité danalyser les mutations de linstitution familiale en commençant par clarifier la notion de " famille ".
Elle a estimé que cette notion ne devait pas seulement être définie en fonction du lien biologique, des liens du sang, ou du fait social constitué par les modes de vie, mais également par rapport à un système symbolique, celui de la parenté, intégrant la différence des sexes et celle des générations en articulant trois types de liens, le lien de conjugalité, le lien de filiation et le lien de fraternité. Elle a observé que la période actuelle vivait une désarticulation entre le lien de conjugalité et le lien de filiation dans la mesure où, dune part, le mariage avait cessé dêtre une obligation sociale impérative pour devenir une question de conscience personnelle, la reconnaissance de légalité des hommes et des femmes ayant conduit à magnifier la dimension individuelle, contractuelle et privée du lien, et où, dautre part, le lien de filiation avait connu une évolution inverse en saffirmant comme de plus en plus inconditionnel, indissoluble. Elle a considéré que ce transfert du principe dindissolubilité, de la conjugalité vers la filiation, était au cur de la crise de linstitution familiale, aggravée par un discours individualiste conduisant à renoncer à lédification de valeurs communes de référence.
Ayant souligné la nécessité impérieuse de saccorder sur une définition de la parenté contemporaine capable de transcender, tout en la respectant, la diversité des situations concrètes, elle a précisé que le droit, en définissant les droits et devoirs et en garantissant la sécurité des liens de parenté, avait une fonction instituante essentielle. Reconnaissant les progrès importants accomplis dans certains domaines tels que légalisation du régime applicable aux enfants naturels et légitimes, elle a constaté lexistence dune grave lacune concernant le statut de la paternité contemporaine.
Dans la perspective dune réinstitution du lien familial, elle a mis en garde contre la tentation dadopter une démarche réductrice, se réfugiant dans la certitude du lien biologique garanti par lexpertise génétique, ou repensant la famille au travers dun prisme univoque tel que les droits de lenfant, approche illusoire, non dépourvue bien souvent dune certaine démagogie sentimentale. Se référant à louvrage du doyen Carbonnier sur lexplosion des droits subjectifs susceptibles de transformer la famille en un lieu daffrontements, elle a rappelé que la famille devait être conçue comme un système déchanges, de liens mutuels, où chacun a des droits et des devoirs, et que la valeur de lautorité parentale devait être réaffirmée en dénonçant les visions simplificatrices tendant jadis à disqualifier les parents " abusifs " et aujourdhui les parents " démissionnaires ".
Mme Irène Théry a ensuite abordé le second thème de son exposé : le contrat dunion sociale.
Elle a observé que la revendication des homosexuels tendant à la reconnaissance de leurs liens de couple avait été révélée par lépidémie du sida. Estimant légitime cette revendication, elle a rappelé que le Traité dAmsterdam avait ajouté à la liste des discriminations prohibées celle fondée sur lorientation sexuelle.
Qualifiant les propositions de loi relatives au contrat dunion civile ou sociale de contradictoires et juridiquement inconsistantes, elle a considéré que, tout en se présentant comme un mode de reconnaissance juridique du couple homosexuel, elles introduisaient en réalité une confusion entre les différents types de liens en appliquant un même statut à un couple, deux amis ou encore un frère et une sur. Elle a observé que ces propositions prévoyaient linstitution dun " mariage bis ", contraire au choix de lunion libre effectué par les concubins hétérosexuels, et a regretté que cela remette en cause une conquête majeure de la Révolution française, lunicité du mariage civil qui, dans le respect de la pluralité des situations et des convictions, avait intégré les principes démocratiques dégalité et de liberté. Elle a estimé que le contrat dunion sociale constituait donc une " fausse bonne idée " et quil convenait dimaginer un système fondé sur le constat dune réalité, lexistence de couples de concubins, hétérosexuels ou homosexuels, en reconnaissant à tous les mêmes droits. Elle a regretté que la jurisprudence de la Cour de cassation nadmette le concubinage quau bénéfice des couples hétérosexuels et a souligné les incohérences du droit fiscal applicable aux concubins.
Après avoir précisé que lEdit de tolérance pris par Louis XVI en 1787 et non la Révolution française avait restauré létat civil pour les protestants, M. Jacques Larché, président, a observé que lanalyse sociologique constituait le socle indispensable de la réflexion juridique sur lévolution du droit de la famille. Il a souligné que le principe dindissolubilité du lien de filiation se trouvait aujourdhui confronté à lapparition de couples dun type nouveau.
M. Robert Badinter sétant interrogé sur le point de savoir si laffirmation, le cas échéant au plus haut niveau des normes juridiques, dun principe de non-discrimination en fonction des murs ne serait pas une solution, Mme Irène Théry a estimé quil ne fallait pas confondre les notions de " discrimination " et de " différence " et, quen matière de filiation, distinguer couples homosexuels et couples hétérosexuels ne serait pas nécessairement discriminant. Au contraire, a-t-elle précisé, la distinction aurait un sens car la différence des sexes a du sens.
**La commission a ensuite procédé à laudition de MM. Philippe Malaurie, professeur à lUniversité du Panthéon-Assas, Alain Benabent, professeur à lUniversité de Paris X et Mme Jacqueline Rubellin-Devichi, professeur à lUniversité de Lyon.
Après avoir approuvé lanalyse de Mme Irène Théry tout en exprimant des réserves sur ses conclusions, M. Philippe Malaurie a souligné la nécessité dune réforme globale du droit de la famille guidée par une conception humaniste préservant le caractère sacré de cette institution.
Il a rappelé que la réforme du droit des successions était en suspens depuis 1988, cet échec étant en partie imputable au fait que le projet de loi ne prenait pas en considération le problème de léclatement de la cellule familiale.
Considérant que lexpression de " divorce civil ", à propos du divorce déjudiciarisé, était impropre et quil serait préférable de parler de " divorce administratif ", il a observé que, quelle que soit la procédure, le divorce constituait un mal et quil convenait de rechercher la solution la moins mauvaise. Il a estimé que le " divorce administratif " nétait envisageable que dans les situations où, laccord des époux étant constaté, il ny avait ni patrimoine commun ni enfants. Dans tous les autres cas, il a considéré que le divorce devrait être nécessairement prononcé par lautorité judiciaire, garante de la protection du plus faible, et que la procédure devrait être précédée de la conclusion dune convention de liquidation patrimoniale et ménager un délai de réflexion de six mois, chaque époux étant assisté dun avocat. Il a précisé quil faudrait prévoir une procédure de rescision pour lésion de ces conventions de liquidation.
Affirmant le caractère inopportun de tout système conçu comme une alternative au mariage, M. Philippe Malaurie, reconnaissant la nécessité dadapter le droit aux évolutions factuelles, de lutter contre les discriminations et de prendre en compte la diversité des situations et notamment les revendications des couples dhomosexuels, a estimé que la distinction entre homme et femme, repère premier pour lindividu et la société, ne devait pas disparaître. Il a précisé quà cet égard les projets tendant à instaurer un contrat dunion sociale ou un pacte dintérêt commun étaient équivoques. Il a considéré quil fallait maintenir lunion libre dune part, le mariage dautre part, ce dernier se caractérisant par un rite dont découlaient de nombreuses conséquences juridiques. Soulignant le risque dévasion fiscale susceptible de résulter des nouveaux systèmes proposés, il a regretté leur logique réductrice et pécuniaire et a estimé quils affecteraient la cohésion de la société civile par le retour à une pluralité de mariages. Il a estimé que leur examen conduisait, au sens propre, à un dilemme, deux conceptions contraires risquant daboutir à un même résultat : réduire la grandeur de lunion.
En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Philippe Malaurie a rappelé que le mariage nimpliquait pas plus que le concubinage la domiciliation commune.
Après avoir indiqué quil partageait les conclusions de M. Philippe Malaurie sur le contrat dunion sociale, M. Alain Bénabent a observé que les trois procédures, divorce par consentement mutuel, divorce pour faute et divorce pour rupture de la vie commune, se révélaient partiellement inadaptées.
Estimant inopportun de réduire la durée de la procédure de divorce par consentement mutuel, il a souligné la nécessité de procéder à une refonte du régime du divorce pour rupture de la vie commune, celui-ci ne jouant plus quun rôle marginal du fait, notamment, de la longueur excessive du délai de six ans. Il a considéré que nul ne pouvait être contraint à poursuivre une vie maritale vouée à léchec et quil fallait instaurer un divorce par volonté unilatérale. Il a précisé que ce nouveau régime devrait être clairement distingué de celui de la répudiation et a rappelé que le premier projet Naquet, présenté en 1876, prévoyait le divorce par exercice dune volonté unilatérale persistante, réitérée à quatre reprises sur une durée dun an.
M. Alain Bénabent, qualifiant danachronique et nocif le divorce pour faute, sest interrogé sur son utilité. Il a constaté que dans 90 % des cas les torts étaient partagés. Il a indiqué que si autrefois cette procédure permettait de faire proclamer son innocence et la culpabilité de lautre, le divorce ayant alors une connotation sociale négative, cette justification avait disparu. Il a précisé que la recherche des preuves de la culpabilité conduisait à envenimer les situations et, quaujourdhui, la responsabilité civile résultant du constat dune faute patente devait constituer un accessoire et non une condition du divorce.
Estimant nécessaire dalléger les conditions daccès au divorce pour le dédramatiser, il a affirmé la nécessité de renforcer les garanties attachées au déroulement de la procédure par lintervention du juge, le maintien de délais de réflexion suffisants et linstauration systématique dun règlement global et concomitant de la situation matrimoniale et de la situation patrimoniale.
Tout en approuvant ladoption par le Sénat de la proposition de loi sur la prestation compensatoire, Mme Jacqueline Rubellin-Devichi a regretté labsence de dispositif fiscal destiné à encourager le versement dun capital alors que la rente était déductible du revenu imposable.
Constatant que près de la moitié des divorces étaient prononcés pour faute, elle sest déclarée hostile à la suppression de cette procédure et a estimé quen matière de divorce pour rupture de la vie commune le délai pourrait utilement être ramené de six à trois ans. En matière de divorce par consentement mutuel, elle a souligné la nécessité de réintégrer dans la procédure la liquidation de la situation patrimoniale.
Ayant constaté que, contrairement au droit québécois, le code civil ne définissait pas le mariage comme lunion dun homme et dune femme, elle a observé que lunion libre nétait que très partiellement prise en compte par le droit civil et a critiqué la jurisprudence récente de la Cour de cassation limitant le concubinage aux relations entre un homme et une femme.
Elle a estimé que les nouveaux systèmes proposés de contrat dunion sociale ou de pacte dintérêt commun, constituant des pseudo-mariages, devraient être réservés aux unions entre homosexuels. Elle a suggéré de substituer à lexpression " pacte dintérêt commun " celle de " pacte de vie commune " qui sappliquerait à " deux personnes entre lesquelles le mariage est impossible ". Elle a précisé que ce pacte devrait être conclu devant notaire.
Regrettant que la chambre criminelle de la Cour de cassation ait refusé dappliquer la Convention internationale des droits de lenfant en considérant que cette convention ne liait que les États entre eux, elle a souhaité que soit ouvert aux enfants un droit dester en justice, moyennant autorisation du juge.
Sinterrogeant sur la démarche tendant à solliciter une modification législative chaque fois quune jurisprudence était considérée comme gênante, M. Jacques Larché, président, a indiqué que lamendement de la commission des Lois tendant à aménager la fiscalité applicable en matière de prestation compensatoire sétait vu opposer larticle 40 de la Constitution par le Gouvernement. Il a par ailleurs souligné lurgence de réformer le droit des successions pour tenir compte de la longévité accrue de la vie humaine et pour améliorer la protection du conjoint survivant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt, partisan de la présence de deux avocats, sest interrogé sur lopportunité de tarifer leurs honoraires en matière de divorce par requête conjointe, sans enfants, ni biens.
M. Jacques Larché, président, a constaté que laugmentation du nombre de divorces par demande acceptée constituait un détournement de procédure pour éviter les délais imposés en matière de divorce par requête conjointe.
**La commission a ensuite procédé à laudition de Mmes Sylvaine Courcelle, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, Marie-Christine George, juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Créteil et Danièle Ganancia, juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Nanterre.
Évoquant en premier lieu le statut des pères naturels, Mme Sylvaine Courcelle a considéré que le père ayant reconnu son enfant avant son premier anniversaire devrait se voir conférer lautorité parentale sans que soit maintenue la condition de communauté de vie avec la mère.
Elle sest inquiété des propositions de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, envisageant un divorce prononcé par le maire. Mme Sylvaine Courcelle a considéré que la dramatisation dune procédure au motif quelle se déroulerait devant le juge nétait pas établie, prenant pour exemple la préférence des couples, recourant à la procréation médicalement assistée pour la procédure gratuite devant le juge plutôt que devant le notaire.
En ce qui concerne la lenteur des procédures actuelles de divorce, Mme Sylvaine Courcelle a fait valoir que celle-ci était inhérente aux appréciations que le juge devait porter, en particulier sur léquité de la convention proposée par les époux et sur lintérêt des enfants. Elle a souligné que de telles appréciations en la matière ne relevaient manifestement pas de la compétence du maire.
A propos du coût de la procédure, elle a fait remarquer quil résultait essentiellement de celui de lintervention des avocats et des notaires, rappelant que dans le cas de requête conjointe, les deux époux pouvaient sans inconvénient recourir à un seul avocat puisquil appartenait ensuite au juge de vérifier léquité de la convention. Elle a ajouté que sans lintervention du juge, lintervention dun avocat pour chaque époux serait absolument indispensable afin de défendre les intérêts de chacun deux, estimant donc que la procédure devant le maire pourrait savérer plus onéreuse que devant le tribunal.
Mme Sylvaine Courcelle a souligné que laccord du couple au moment de la requête se trouvait souvent remis en cause par la suite, les deux conjoints nayant pas nécessairement mesuré toute la portée de leur convention lors de leur demande.
Sagissant du divorce intervenant en labsence denfant et de biens, elle a fait observer que le repérage des cas simples pouvait soulever des difficultés.
Mme Sylvaine Courcelle a estimé que le délai de six ans pour pouvoir demander un divorce pour rupture de vie commune paraissait excessif.
Elle a relevé que la majorité des divorces demandés pour faute étaient prononcés aux torts partagés au terme dune procédure se déroulant dans un climat malsain, en particulier pour les enfants.
Elle sest demandé si un divorce par volonté unilatérale de lun des conjoints néquivaudrait pas à une répudiation.
Mme Sylvaine Courcelle a considéré comme inefficace la proposition tendant à prévoir lintervention dun médiateur, prenant en considération le fait que le couple était au moins daccord sur le fait de se séparer. Elle a ajouté quil ny avait pas lieu de transférer à des travailleurs sociaux le soin de contribuer à la prise dune décision sur un divorce. Pour justifier le maintien du divorce pour faute, elle a estimé préférable que lagressivité entre conjoints sexprime sur les causes de la discorde plutôt quultérieurement sur les conséquences du divorce pour les enfants.
Mme Sylvaine Courcelle a estimé souhaitable de distinguer la décision sur le divorce de celle sur ses conséquences financières, dans le cas où il serait prononcé pour faute, car le régime actuel conduisait trop souvent le juge à prononcer celui-ci aux torts partagés.
Elle sest opposée à lélaboration dun statut spécifique pour les familles recomposées, qui devrait prendre en compte de situations trop diverses de fait et traiter de manière comparable des familles éphémères et des couples plus stables.
En réponse à M. Jacques Larché, président, qui linterrogeait sur le pourcentage des refus opposés à des demandes de divorce sur requête conjointe, Mme Sylvaine Courcelle a indiqué que les refus étaient très rares, les magistrats préférant, en cours de procédure, inciter les époux à amender leur convention dans un sens plus équilibré.
Mme Marie-Christine George a exposé que le tribunal de grande instance de Créteil prenait chaque année entre 7.500 et 8.000 décisions en matière civile parmi lesquelles 72 % concernaient le domaine familial.
Elle a considéré que la loi de 1993 renvoyant aux parents la responsabilité principale concernant les conséquences du divorce pour les enfants et confiant un rôle subsidiaire au juge dans ce domaine, avait connu des effets positifs, rappelant que cette loi maintenait en principe lexercice de lautorité parentale par les deux parents.
Elle a regretté une trop grande méconnaissance de la loi de 1993, y compris de la part des services administratifs, citant en particulier le cas de ladministration fiscale demandant copie dune décision juridictionnelle sur le domicile des enfants alors que celle-ci serait désormais sans objet, un simple accord des parents pouvant suffire.
Sagissant des enfants naturels, Mme Marie-Christine George a jugé que lexigence du maintien de la condition de communauté de vie ne devait plus conditionner lautorité parentale du père, soulignant le caractère impératif dune meilleure sécurité juridique de lenfant, par létablissement clair de sa filiation dès la naissance.
Elle a estimé nécessaire de modifier le décret de 1962 permettant létablissement dun acte de reconnaissance denfant naturel devant les services détat civil de la mairie, considérant la très grande importance des effets attachés à cette reconnaissance.
Elle a souligné le caractère gravement préjudiciable pour les enfants des actions en contestation de paternité lorsquelles étaient trop nombreuses, citant le cas dun enfant de huit ans dont la filiation avait été modifiée à quatre reprises.
Mme Marie-Christine George a estimé trop long le délai de dix ans laissé à son auteur pour contester sa reconnaissance de paternité sur la base de la possession détat. Elle a souhaité que lenfant se voit attribuer le nom de son père en cas de reconnaissance par ce dernier dans lannée suivant la naissance.
Mme Marie-Christine George a estimé nécessaire de prendre en considération les modifications intervenues dans la vie familiale depuis la promulgation de la loi de 1975 sur le divorce, à savoir que la vie conjugale précédait souvent le mariage et que le divorce pouvait intervenir bien après la séparation.
Elle a souligné que le divorce pour rupture de vie commune nétait prononcé que dans 1 % des cas.
Faisant état des 120.000 divorces prononcés par an dont 2.600 au tribunal de grande instance de Créteil, Mme Marie-Christine George a considéré que le divorce pouvait être prononcé par le maire, dont les compétences seraient limitées au recueil du consentement. Elle a ajouté que ce type de divorce pourrait répondre sans inconvénients aux cas de personnes dont le divorce par requête conjointe pouvait dissimuler une absence daccord réel non sur la séparation elle-même, mais sur ses conséquences.
Mme Marie-Christine George a souhaité le développement de laide juridictionnelle en dehors du cadre dune procédure judiciaire aux fins de permettre aux époux de recourir plus aisément à des professionnels contribuant au règlement de leurs conflits comme les avocats, les notaires ou les conseillers conjugaux, faisant remarquer que la conciliation devant le juge nintervenait que dans 0,5 % des cas.
Elle a fait remarquer que la moitié des divorces étaient suivis dun nouveau contentieux quelques années plus tard, portant en particulier sur la révision de la pension alimentaire. Mme Marie-Christine George a exposé que dans 13 % des cas, le divorce donnait lieu à attribution dune prestation compensatoire, faisant observer que bien souvent il sagissait de compenser un partage inégal. Elle a souligné que les litiges survenant après le divorce ne résultaient pas nécessairement de sa mauvaise gestion, mais aussi de limpossibilité denvisager tous les problèmes lors du premier jugement.
En conclusion, Mme Marie-Christine George a récapitulé les avantages quelle percevait à linstitution dun divorce devant le maire, à savoir une meilleure responsabilisation des époux, une limitation de lintervention du juge à la prise de décision sur les seules conséquences du divorce, une réduction de lencombrement des tribunaux et la fin dune injustice à légard des couples mariés, les concubins pouvant se séparer plus facilement.
Mme Danièle Ganancia a tout dabord souligné la nécessité de contenir le caractère conflictuel du divorce en limitant celui-ci à un constat objectif de léchec du couple et de limpossibilité de poursuivre la vie commune.
Elle a fait observer que le divorce par requêtes conjointes ne comportait pas toujours, malgré les apparences, un accord réel des époux sur ses conséquences.
Elle a considéré que la procédure de divorce pour faute revêtait un caractère essentiellement destructeur, conduisant les époux à refuser tout dialogue. Elle a fait observer que le débat inhérent à cette forme de divorce ne pouvait quêtre préjudiciable aux enfants. Elle a ajouté que les comportements fautifs des conjoints devaient entraîner par ailleurs leur responsabilité civile et pénale dans les conditions de droit commun.
Mme Danièle Ganancia a souligné quil nappartenait pas à la justice, dans le cadre dune procédure de divorce, de porter une appréciation morale sur le couple.
Elle a contesté quun divorce prononcé à la demande dun conjoint seulement puisse être assimilé à une répudiation, prenant en considération le fait quil ne pouvait y avoir maintien des liens du mariage par la volonté dune seule personne.
Mme Danièle Ganancia a ensuite énuméré les trois conditions auxquelles le divorce à linitiative de lun des conjoints pourrait être prononcé, à savoir trois ans de séparation, un accord des époux sur le fait de la séparation et, en cas dopposition de lautre époux, le recours à une médiation qui, en cas déchec, ouvrirait un nouveau délai de dix-huit mois.
Elle a estimé que de telles conditions permettraient de ne pas banaliser la procédure de divorce et de laisser aux personnes concernées le délai de réflexion nécessaire.
En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Marie-Christine Georges a estimé que la suppression de la condition de cohabitation pour la reconnaissance dun enfant par son père naturel ne risquait pas de susciter des fausses reconnaissances.
**La commission a ensuite procédé à laudition de M. Jean Hauser, professeur à lUniversité de Bordeaux, président de la mission de recherche droit et justice sur le pacte dintérêt commun (PIC).
M. Jean Hauser a tout dabord rappelé que le droit de la famille comportait à la fois des aspects personnels et des aspects patrimoniaux, quil ne pouvait être dissocié dautres branches du droit tel que le droit social et le droit fiscal et quon ne pouvait envisager la réforme du droit de la famille sans en tenir compte. Il a observé quau cours des trente dernières années, on avait tenté de faire prendre en compte les faits par le droit alors quauparavant celui-ci était défini de manière impérative et a souligné quà cet égard le droit social avait précédé le droit civil. Il a estimé que, pour autant, ladaptation du droit de la famille aujourdhui envisagée ne devait pas consister à faire remonter lensemble des faits vers le droit, une telle évolution risquant de faire perdre toute utilité au droit.
A propos du mariage, M. Jean Hauser a fait valoir que le droit du mariage mériterait, autant que celui du divorce, de faire lobjet dune réforme. Il a estimé que bien des dispositions actuelles étaient " vieillottes ", en particulier en matière de publications ou doppositions.
M. Jean Hauser a estimé quon ne pouvait réformer le divorce sans conséquences sur le mariage. Il a jugé utile dintroduire en droit français un divorce pour cause objective. Il sest déclaré réservé sur la suppression du divorce pour faute, en observant que cette procédure était la dernière sanction des obligations du mariage. Il ne sest en revanche pas opposé à des améliorations techniques.
A propos de la déjudiciarisation du divorce, M. Jean Hauser a estimé que confier aux maires le soin de prononcer le divorce conduirait à des difficultés sérieuses sans économiser le temps des magistrats. Il a observé que les recours en matière de divorce étaient relativement peu nombreux grâce à lhomologation des conventions par le juge et a exprimé la crainte quen labsence dune telle homologation par le juge, les contestations se multiplient.
Il a en revanche fait valoir que certains aménagements de procédures actuelles, en particulier en matière de divorce sur requête conjointe, pourraient incontestablement constituer des progrès.
M. Jean Hauser a ensuite abordé la question des conséquences du divorce et en particulier la prestation compensatoire. Observant que le législateur de 1975 avait limité strictement la révision de cette prestation pour éviter la multiplication des contentieux, il sest demandé si la proposition de loi votée par le Sénat, tendant à élargir les possibilités de révision, ne risquait pas de faire renaître de multiples conflits. Il sest prononcé pour ladoption dune mesure transitoire qui permettrait la révision des prestations compensatoires les plus anciennes versées ponctuellement, et a souhaité que, pour lavenir, le juge ait la possibilité de prévoir une date à partir de laquelle un réexamen de la prestation deviendrait possible lorsquil estimerait navoir pas tous les éléments pour trancher. Il a en outre estimé nécessaire de prévoir un régime fiscal particulier en cas de versement de la prestation compensatoire en capital.
M. Jean Hauser a ensuite présenté le projet de pacte dintérêt commun élaboré par la mission de recherche " Droit et Justice ". Il a tout dabord observé quil existait une revendication symbolique visant à permettre à certains couples dobtenir une reconnaissance par le droit à travers la mise en place dune forme de mariage. A ce sujet, il a souligné, que dans la plupart des pays où existait un contrat de partenariat, lassimilation au mariage nétait pas intégrale. Il a fait valoir quil existait en revanche des revendications pratiques en matière civile, sociale et fiscale visant à organiser la communauté de vie de deux personnes et que ces revendications méritaient dêtre prises en compte.
M. Jean Hauser a estimé que, compte tenu du développement de la solitude, fléau aggravé par la perte des repères, la société avait peut-être aujourdhui intérêt à donner des droits à ceux qui choisissent de vivre à deux, indépendamment de tout jugement dordre moral. Il a donc plaidé pour la mise en uvre dun pacte dintérêt commun, qui ne prendrait pas place dans la partie du code civil consacrée aux personnes, mais dans le livre III de ce code, entre les dispositions relatives au statut de la société et celles portant sur les conventions relatives à lexercice des droits indivis. Il a indiqué que ce pacte ne donnerait pas autant de droits que le mariage, la société ayant pour lheure davantage à favoriser le mariage que la création dun tel pacte. Il a souhaité quon ne fasse aucune distinction parmi les cohabitants, la justification du pacte étant dabord de traiter la question de la solitude. Il a estimé que le seul critère devrait être celui de la vie en commun et non celui de lexistence de relations sexuelles.
Évoquant enfin la filiation et les relations familiales, M. Jean Hauser sest prononcé contre une réforme globale de la loi de 1972, soulignant quen matière de droit de la famille, il fallait un temps assez long avant que les lois soient pleinement prises en compte dans la pratique. Il a en revanche estimé nécessaire de modifier lensemble des délais en matière de droit de la filiation. Il a en effet observé que les délais de prescription ne posaient guère de difficultés à lépoque où la nature se chargeait de faire disparaître les preuves de la filiation, mais que les progrès scientifiques imposaient aujourdhui une modification des délais de prescription pour éviter la multiplication dactions abusives en recherche de filiation.
Concluant son propos, M. Jean Hauser a déclaré quil ne fallait pas craindre lévolution du droit de la famille mais que limmense majorité des sujets de droit se satisfaisait du droit actuel. Il a rappelé que, sil existait 3 millions de concubins, il existait aussi 17 millions de couples mariés et que près de 60 % des mariages ne se terminaient pas par une rupture. Il a donc mis en garde contre la tentation dun droit de la marginalité qui na jamais été la vocation du droit de la famille.
M. Jacques Larché, président, a souhaité avoir des précisions sur les conséquences concrètes que pourrait avoir la conclusion dun pacte dintérêt commun, par exemple en matière de successions, de pension de réversion ou de regroupement familial pour les fonctionnaires. Il a souligné que le législateur serait peut-être conduit à se pencher sur cette question et quil était important quil puisse en mesurer la portée sauf à se trouver placé devant le dilemme décrit par M. Philippe Malaurie.
M. Jean Hauser a observé que, jusquà présent, des droits avaient été donnés aux concubins sans définir précisément au préalable le concubinage. Il a donc souhaité que soit définie dabord une structure optionnelle avant de prévoir les droits qui y seraient associés. Il a fait valoir quil existerait des pactes à géométrie variable, ayant plus ou moins de conséquences en fonction du choix des parties. Il a en revanche estimé que certaines dispositions navaient pas vocation à sappliquer aux " picistes , par exemple les règles de succession ab intestat. Il a conclu son propos en estimant que certaines techniques chargées de signification devaient rester liées au mariage, tandis que dautres, plus neutres, pouvaient être utiles pour le pacte dintérêt commun.
M. Robert Badinter a souhaité savoir sil serait possible quune même personne puisse être impliquée simultanément dans plusieurs pactes dintérêt commun.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé si le pacte serait limité à deux personnes ou sil pourrait être étendu à davantage dindividus, par exemple dans le cas de fratries.
M. Jean Hauser a répondu quune personne ne pourrait participer quà un seul pacte à la fois. Il a estimé que la demande en matière de pacte dintérêt commun concernait pour lessentiel des personnes souhaitant vivre à deux. Observant que certains concubins aisés créaient dores et déjà des sociétés civiles pour la gestion de leurs biens, il a souligné que le pacte dintérêt commun constituerait en quelque sorte une petite société civile destinée à introduire des éléments de prévisibilité dans les relations entre deux personnes. Il a estimé quau-delà de deux personnes le régime des sociétés offrait déjà des solutions.
**Au cours dune deuxième séance tenue dans laprès-midi, la commission a procédé tout dabord à laudition de Mme Michelle Torrecillas, juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Belfort et de M. Thierry Fossier, président de la chambre de la famille du tribunal de grande instance de Grenoble.
Mme Michelle Torrecillas a donné le point de vue dun juge aux affaires familiales de province sur la pratique judiciaire en matière familiale. Au sujet des relations entre parents et enfants, elle a estimé que les évolutions positives décrites par les intervenants précédents concernant lamélioration du lien entre le père et les enfants et la diminution du nombre denfants qui perdaient le contact avec lun des deux parents ne reflétaient pas la réalité dans son tribunal.
Elle a considéré que la loi de 1993 sur lautorité parentale conjointe était encore mal assimilée tant par les parents eux-mêmes que par les professionnels du droit ou ladministration. Elle en a donné pour preuve le fait que, même en cas daccord des parents, le juge était souvent amené à fixer le domicile éventuel ou les droits de visite et dhébergement, ce qui, dans le cadre de la loi de 1993, devait en principe être le fait des parents.
Elle a estimé quil était prématuré denvisager une déjudiciarisation des procédures de divorce, le juge devant garantir les intérêts des enfants et éviter que les parents abandonnent des prérogatives. Elle a néanmoins reconnu que lidée de se passer du juge pouvait paraître séduisante, dans la mesure où celui-ci, en traitant un contentieux de masse, perdait de sa crédibilité et était souvent considéré comme une chambre denregistrement. Mais elle a considéré quil était plus constructif de toiletter la procédure de divorce en éliminant le formalisme inutile. Elle a ainsi préconisé que le divorce par consentement mutuel puisse être prononcé dès la première comparution chaque fois que le juge a pu constater la réalité du consentement des époux.
Pour éviter le recours au divorce pour faute qui conduit à formaliser des griefs et engendre un très mauvais climat, elle a proposé de permettre à lun des époux de déposer une requête en divorce unilatérale, ce qui nempêcherait pas lépoux défendeur de demander que soit caractérisés les griefs à son encontre ou de formuler lui-même une demande reconventionnelle en divorce pour faute.
Mme Michelle Torrecillas a décrit les évolutions récentes en matière de jugement des affaires familiales. Elle a rappelé le rôle central du juge aux affaires familiales, de création récente et instauré comme juge unique du début à la fin de la procédure de divorce. Elle a précisé que son rôle nétait plus seulement de trancher des conflits mais également de traiter des problématiques familiales avec lappui de multiples intervenants, avocats, greffiers, mais aussi travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres ou médiateurs. Rappelant que le service de médiation du tribunal de Belfort ne fonctionnait que depuis un an, elle a regretté que les juridictions de province soient moins bien dotées en intervenants sociaux ou de médiation que la région parisienne. Elle a considéré quil était important de développer ces moyens pluridisciplinaires permettant de dédramatiser les divorces.
En conclusion, elle a souligné la particularité du contentieux de la famille qui, en raison du caractère passionnel des relations entre hommes et femmes, dune part, entre parents et enfants, dautre part, ne pouvait pas être intellectualisé.
M. Thierry Fossier a traité successivement des questions du statut économique de lenfant, du rôle du travail social par rapport à la famille et de lorganisation de la juridiction familiale.
Concernant le statut économique de lenfant, il a fait part de son expérience en tant que juge aux affaires familiales et juge des tutelles concernant lapprentissage économique des mineurs. Il a constaté que les jeunes majeurs étaient singulièrement démunis devant les lois économiques, ceux qui nont pas de patrimoine se reposant sur leur famille, ceux qui en ont un étant souvent sous la tutelle de fait des parents. Il a considéré que cette réalité nétait pas conforme au choix du législateur de 1974 qui avait abaissé à 18 ans lâge de la majorité et que cette gestion tutélaire ne laissait pas assez de place à la participation de ladolescent.
Il sest fait lécho des préoccupations de la conférence de la famille de 1996 concernant lobligation alimentaire des parents à légard de leurs enfants jeunes majeurs, estimant que la position des juridictions de plus en plus favorable à lextension de cette obligation jusquà un âge de plus en plus élevé des enfants occasionnerait nécessairement des tensions familiales ou même des répercussions sur la fécondité et quil faudrait peut-être envisager la prise en charge de ces jeunes par la collectivité.
Concernant la place de lenfant dans la procédure, il a regretté que la Cour de cassation résiste à introduire la Convention de New-York dans le droit positif, ce qui ne se ferait pas sans contrepartie, mais générerait pour les enfants des droits comme des obligations. Sur le domaine non exploré du statut de lenfant dans la famille recomposée, il a considéré quil conviendrait de déterminer des rapports juridiques entre lenfant de parents séparés et le nouveau compagnon du parent gardien.
Concernant la place du travail social qui est un palliatif aux carences familiales, M. Thierry Fossier a indiqué que la conférence de la famille avait préconisé le développement plus poussé de la médiation familiale et de laction associative mais quune réflexion fondamentale devait être engagée sur la possibilité dintroduire dautres modes moins coûteux dassistance matérielle et morale aux familles, tels les groupes dachats collectifs, les animations de quartier, lentraide familiale, les permanences éducatives.
Concernant lorganisation de la juridiction familiale, M. Thierry Fossier a indiqué que les trois fonctions quelle comportait, exercées respectivement par le juge des tutelles, le juge des enfants et le juge des affaires familiales, présentaient des caractères communs : un certain isolement au sein de linstitution judiciaire ; une procédure axée sur les intérêts de lenfant ; une fonction thérapeutique de laudience ; une masse de dossiers nouveaux ou en suivi dont une bonne part pourrait justifier lintervention des assistants de justice et un contact permanent avec les collectivités territoriales et le travail social.
Il a préconisé un rapprochement de ces trois juges dans un tribunal de la famille, dont le siège serait à déterminer, ce regroupement ayant lavantage daider à une réflexion densemble sur le statut de lenfant, de permettre une extension du rôle de lavocat, une meilleure maîtrise du développement du travail social et une plus grande cohérence des jurisprudences. Il a laissé entendre que la création dun tel tribunal pourrait être un début de solution au lancinant problème de la carte judiciaire.
M. Jacques Larché, président, a constaté lapproche plus immédiate des questions de ces deux intervenants, peut-être due à des conditions dexercice de leur profession moins anonyme que celles existant en région parisienne. Il sest déclaré en accord avec lapproche prudente de Mme Torrecillas concernant la déjudiciarisation.
**La commission a ensuite procédé à laudition de M. Jean-Marie Coulon, président du tribunal de grande instance de Paris.
M. Jean-Marie Coulon, souhaitant livrer une approche pragmatique et de gestionnaire, a indiqué que le service du juge aux affaires familiales de Paris traitait 13.000 affaires par an, que les divorces y représentaient 56 % des procédures, les divorces par consentement mutuel représentant 57 % dentre eux et exigeant 7 mois de délai en moyenne. Il a rappelé que le divorce par consentement mutuel représentait 10 % de lensemble des activités des tribunaux civils.
Concernant le problème de la déjudiciarisation quil navait pas abordé dans son rapport sur la procédure civile, il a rappelé que les positions étaient très crispées au départ, mais quelles semblaient évoluer, notamment celles des notaires. Il a considéré que lintervention du juge était un facteur essentiel, même dans le divorce par consentement mutuel qui, bien que sapparentant à une procédure gracieuse, gardait une connotation contentieuse.
Il a insisté sur limportance pour la justice de respecter des délais raisonnables, constatant que le facteur temps prenait de plus en plus dimportance dans lesprit des justiciables qui admettaient difficilement les délais de 9 à 10 mois nécessaires en moyenne pour un divorce.
Il a considéré quil faudrait redéfinir des modalités dintervention du juge plus adaptées aux évolutions de la famille et à la croissance des flux. Il a ainsi préconisé de rendre facultative la deuxième comparution devant le juge ce qui pourrait raccourcir les délais de 3 mois sans bouleversement procédural majeur. Il a en effet estimé que lutilité du temps de réflexion accordé aux parties par lexigence de la deuxième comparution relevait de lutopie.
Constatant que la médiation navait pas encore pénétré la culture judiciaire, une centaine de médiations seulement étant réalisées par an, M. Jean-Marie Coulon sest déclaré favorable à une généralisation de cette procédure qui aiderait les parties en atténuant la notion de faute.
M. Jacques Larché, président, observant que les justiciables paraissaient plus sensibles aux délais de jugement quà lindépendance du parquet, a rappelé la situation très difficile des juridictions relevée par la mission dinformation de la commission des Lois sur les moyens de la justice, conduite par MM. Charles Jolibois et Pierre Fauchon. Mais en la matière, il sest déclaré surpris de la modestie relative du délai de dix mois annoncé. Mme Sylvaine Courcelle, ayant indiqué que les délais moyens de jugement dappel à Paris étaient de deux ans, lappel étant possible uniquement en cas de divorce pour faute et ne concernant que 10 % des affaires, il a estimé que ces délais semblaient satisfaisants. M. Jean-Marie Coulon, ayant indiqué que la suppression de la deuxième comparution pourrait permettre dobtenir un divorce en six semaines, M. Jacques Larché, président, sest interrogé sur lopportunité darriver à des délais si courts.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a considéré quil était acceptable de supprimer la deuxième comparution dans les cas où le juge estimerait quelle était inutile.
M. José Balarello sest au contraire prononcé pour le maintien des deux comparutions estimant, en fonction de son expérience davocat, quune période de réflexion était nécessaire et quun fonctionnement normal des tribunaux pourrait permettre dobtenir un divorce en quatre mois avec deux comparutions. Il a considéré que lencombrement des tribunaux ne devait pas être une raison de modifier la législation du divorce.
M. Jean-Marie Coulon a estimé que les juges aux affaires familiales avaient une expérience suffisante pour apprécier la nécessité dune deuxième comparution.
En réponse à M. Pierre Fauchon qui sinterrogeait sur la dispersion des délais autour de la moyenne annoncée, Mme Sylvaine Courcelle a précisé que les divorces par requête conjointe approchaient réellement la durée de 7 à 8 mois mais que dans les divorces pour faute des expertises pouvaient conduire à des délais de 2 à 3 ans. Elle a indiqué que Paris comptait plus de divorces par requête conjointe que la province, et que beaucoup de Français de létranger et dhabitants de lIle de France engageaient leur procédure à Paris.
**La commission a ensuite procédé à laudition de M. Régis de Crépy, représentant de lassociation des Maires de France.
A titre liminaire M. Régis de Crépy a indiqué que lAssociation des Maires de France navait pas formalisé une position officielle sur les questions intéressant le droit de la famille.
Sappuyant sur son expérience de maire dune commune rurale de 650 habitants, M. Régis de Crépy a relevé les effets de lévolution démographique sur la situation des familles. Il a indiqué que dans sa commune seulement 50 % des enfants scolarisés vivaient avec leurs deux parents biologiques, situation qui lui a paru rapprocher le milieu rural du milieu urbain.
M. Régis de Crépy a fait valoir que le maire exerçait deux fonctions essentielles : dune part, éclairer la population sur son avenir et, dautre part, être un médiateur entre les différentes composantes de cette population. Il a souligné que cette dernière fonction était particulièrement riche en milieu rural.
Puis, après sêtre interrogé sur lurgence quil y aurait à légiférer sur le problème de la vie à deux et la réforme du divorce, M. Régis de Crépy a fait observer que la prise en charge financière dune éventuelle réforme pourrait soulever des difficultés.
Faisant observer que lévolution de la famille posait des questions sérieuses, il a considéré que les différentes mesures adoptées récemment ne contribuaient malheureusement pas à préserver la famille dans sa forme traditionnelle.
Après avoir fait constaté que les analyses relatives aux effets du divorce sur la famille étaient souvent contradictoires, M. Régis de Crépy a jugé difficilement concevable quun maire qui avait pour fonction de préserver lunité sociale puisse à la fois célébrer les mariages et officialiser des divorces. Emettant des doutes sur les compétences du maire pour évaluer toutes les conséquences dune séparation des époux et de leurs enfants, il a estimé que les compétences requises se trouvaient nécessairement dans les milieux judiciaires.
Sagissant des problèmes de la vie à deux, M. Régis de Crépy a fait valoir que le maire ne pouvait pas favoriser une évolution qui, dune manière ou dune autre, aurait pour effet de déstabiliser linstitution familiale.
Craignant quune telle orientation soit en décalage avec les aspirations profondes de lopinion publique, il sest interrogé sur les motifs qui conduiraient à remettre en cause les deux institutions fondamentales quétaient le maire et la famille.
Présentant enfin différentes recommandations, M. Régis de Crépy a fait valoir, en ce qui concerne la vie à deux, que la solidarité que le législateur pouvait encourager entre deux individus ne pouvait être conçue pour le court terme. Considérant que lidée dune gradualité des statuts était illusoire, il a fait observer quune diminution du niveau des exigences pour lun des statuts se répercuterait nécessairement sur les autres statuts, " la mauvaise monnaie chassant la bonne ". Après avoir plaidé pour une certaine prudence politique, il a jugé nécessaire dencourager chez les jeunes la constitution de liens durables.
M. Jacques Larché, président, a alors rappelé que la commission des Lois navait pas lintention de légiférer dans la hâte sur ces questions essentielles mais souhaitait au contraire prendre le temps de la réflexion.
Sappuyant sur lexemple du département de la Seine-et-Marne, il a estimé que la majorité des enfants vivaient encore avec leurs deux parents biologiques.
M. Charles Jolibois a souhaité que lAssociation des Maires de France adopte une position officielle sur les propositions prévoyant, dune part, lintervention du maire dans la passation de contrats ou de pactes dunion civile, dautre part, la " municipalisation " de certains divorces.
En réponse, après avoir pris acte de ce souhait, M. Régis de Crépy a précisé que son propos ne visait pas les présents travaux de la commission des Lois mais les initiatives de certains groupes de pression. Il a en outre fait valoir que les éléments statistiques quil avait donnés constituaient une simple illustration tendant à montrer le rapprochement entre les comportements familiaux en milieu rural et en milieu urbain.
**La commission a ensuite procédé à laudition de Maître Jacques Combret, notaire.
Me Jacques Combret a tout dabord observé que dans, lexercice de leurs fonctions, les notaires ne rencontraient pas seulement des familles déchirées, mais également des familles heureuses, des familles réglant à lamiable leurs difficultés quotidiennes. Il a souligné que le rôle de conseiller des familles exercé par le notaire était incontestablement la plus difficile, mais aussi la plus gratifiante, de ses missions.
A propos des propositions de pacte dintérêt commun et de contrat dunion sociale, Me Jacques Combret a fait valoir que la demande dun contrat spécifique était largement minoritaire chez les concubins et que des solutions existaient déjà pour régler les problèmes particuliers, notamment sociaux ou fiscaux des concubins. Evoquant le cas des couples qui sont dans limpossibilité de se marier, il a estimé quil ne fallait pas rejeter demblée toutes les propositions et a indiqué que le pacte dintérêt commun paraissait, en létat actuel des choses, la seule proposition examinable malgré de nombreuses réserves.
Me Jacques Combret a estimé que la prestation compensatoire en matière de divorce devrait faire lobjet dune capitalisation au moment du décès du débiteur et être déduite du patrimoine lors de la déclaration de succession. Il a souligné que limmense majorité des notaires était hostile à la déjudiciarisation du divorce, préférant une simplification du divorce par consentement mutuel.
Evoquant le coût des actes notariés, il a rappelé quen labsence de patrimoine, ces actes nentraînait guère de frais. Il a en outre remarqué que parmi les frais de notaires étaient inclus des frais fiscaux et a estimé que certaines dispositions méritaient des améliorations à cet égard. Il a indiqué que les notaires étaient naturellement prêts à mettre leurs compétences au service de procédures de conciliation ou de médiation qui permettraient un règlement en amont des liquidations de régimes matrimoniaux.
Me Jacques Combret a fait savoir que le congrès des notaires de France de 1999 aurait pour thème " Demain la famille " et comporterait quatre sujets essentiels. Il a observé que le premier de ces thèmes porterait sur lévolution des concepts liés à la famille, en particulier le mariage et lunion libre, ainsi que lévocation de nouvelles questions, telles que celle des ménages bi-nationaux ou dorigine étrangère installés en France.
Me Jacques Combret a précisé que le second axe du congrès serait les solidarités et les responsabilités, notamment les obligations alimentaires et linadaptation du droit actuel face à laugmentation de la population des personnes âgées ou très âgées. Il sest en particulier demandé si les procédures de tutelle et de curatelle ne pourraient pas faire lobjet daménagements.
Il a indiqué que le troisième thème du congrès serait consacré aux ruptures, non seulement du couple, mais également entre parents et enfants ou entre fratries. Il a enfin précisé que le dernier des thèmes du congrès de 1999 serait les transmissions. A ce sujet, il a fait valoir quil était aujourdhui indispensable de reprendre la réforme du droit des successions, en gardant à lesprit que cette question était très liée à celle des régimes matrimoniaux. Il a observé quune plus grande souplesse paraissait aujourdhui nécessaire, afin de permettre aux personnes âgées de régler leur succession de leur vivant.
M. Jacques Larché, président, a estimé que lévolution du droit des successions était probablement lun des domaines dans lesquels une réforme simposait de la manière la plus urgente, compte tenu de laugmentation de la durée de la vie et de la multiplication des familles recomposées.
**La commission a ensuite procédé à laudition de Maître Jacqueline Beaux-Lamotte, président de la commission ouverte sur le droit de la famille du barreau de Paris et Maître Françoise Baqué de Zan, rapporteur de la conférence des Bâtonniers.
Me Jacqueline Beaux-Lamotte a tout dabord précisé quelle prenait la parole au nom de la commission ouverte sur le droit de la famille du barreau de Paris. Elle a souligné que le rôle premier de lavocat était dêtre un auxiliaire de justice, ayant toujours pour objectif de faciliter les accords et déviter les contentieux. Elle a observé que la place de lavocat nétait pas contestée, même parmi les partisans dun divorce non judiciaire.
A propos du divorce devant lofficier détat civil, elle sest interrogée sur le critère qui permettrait de confier certains divorces au maire. Elle a exprimé la crainte que, dans lhypothèse où lofficier détat civil se contenterait de prononcer le divorce tout en renvoyant au juge le soin de régler les questions liées aux enfants, à la prestation compensatoire et à la liquidation du régime matrimonial, le divorce soit prononcé sans que les parties en aient mesuré les conséquences.
Se prononçant contre la possibilité de confier une telle tâche aux maires, elle a constaté que lEtat avait un rôle dans la protection de la famille, reconnu par la déclaration universelle des droits de lHomme. Elle a en outre souligné quil existait bien souvent des rapports de force dans un couple et quil convenait de protéger le plus faible, le juge et lavocat exerçant un rôle protecteur en ce domaine. Elle a enfin rappelé que le ministère davocat simposait en cette matière parce que ce dernier était avant tout un auxiliaire de justice et non un conseiller juridique des parties.
Me Jacqueline Beaux-Lamotte sest ensuite prononcée en faveur dun assouplissement des procédures existantes en matière de divorce. A propos du divorce par requête conjointe, elle a estimé quil serait utile doffrir aux parties la possibilité de demander à être dispensées du délai de réflexion imposé entre les deux comparutions prévues par la loi, ce qui permettrait le prononcé du divorce dès la première audience.
Elle a ensuite fait observer que le divorce par demande acceptée présentait lintérêt déviter un conflit sur les torts respectifs des époux et a souhaité que soit supprimé le mémoire expliquant les raisons pour lesquelles la vie commune nétait plus possible. Elle a en outre observé quil conviendrait de permettre la possibilité dune demande conjointe.
Me Jacqueline Beaux-Lamotte sest prononcée contre la disparition de la procédure de divorce pour faute et a indiqué que la commission du droit de la famille de lordre des avocats de Paris souhaitait que le temps de séparation nécessaire pour le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune soit réduit de 6 à 3 ans.
Concluant son propos, Me Jacqueline Beaux-Lamotte sest déclarée en accord complet avec la proposition de loi votée par le Sénat sur la prestation compensatoire en matière de divorce. Elle a souhaité quune réflexion soit entreprise sur la possibilité de liquider le régime matrimonial des époux dès le prononcé du divorce.
Me Françoise Baqué de Zan a tout dabord rappelé que le droit ne permettrait jamais de résoudre lensemble des insatisfactions des justiciables. Elle sest demandée si à force de vouloir équilibrer les rapports de force dans le cadre dun divorce, on ne risquait pas de détruire les rouages qui sont ceux de tout procès.
A propos de la contractualisation du concubinage, elle a souligné quil sagissait dune question avant tout éthique et sest demandé si elle ne remettait pas en cause lidée même dunion libre. Elle a estimé que ce thème était aujourdhui évoqué parce que la communauté dintérêts tendait de plus en plus à primer sur la communauté de vie. Elle a observé que de nombreuses personnes étaient à la recherche de droits et sinterrogeaient sur les mérites respectifs du mariage, du concubinage, voire du pacte dintérêt commun en matière davantages sociaux, fiscaux ou successoraux.
Evoquant ensuite le contentieux du divorce, Me Françoise Baqué de Zan a fait valoir que la loi de 1975 avait donné globalement satisfaction et que certaines possibilités offertes par le code civil ou le code de procédure civile nétaient aujourdhui pas utilisées. Elle a estimé que lhypothèse dun divorce devant le maire constituait une vue de lesprit, que le mariage était simple et désiré par deux personnes, tandis que le divorce constituait la rupture dune situation juridique. Observant quun acte juridictionnel ne pouvait être accompli en dehors des juridictions, elle sest en outre interrogée sur la manière dont serait respecté le secret auquel a droit tout couple, dans lhypothèse dun divorce prononcé par le maire dune petite commune. Elle a remarqué quil était paradoxal de décentraliser la procédure de divorce au moment où lon recherche les moyens de refondre la carte judiciaire pour centraliser les sites. Elle a enfin estimé que les officiers détat civil nétaient pas aptes à détecter les souffrances méritant un traitement particulier dans le cadre dune procédure de divorce, contrairement aux praticiens du droit que sont les magistrats et les avocats.
Me Françoise Baqué de Zan a estimé que certaines procédures devraient être aménagées. Elle a fait valoir que le divorce par requête conjointe devrait pouvoir être prononcé après une seule comparution. A cet égard, elle a formulé deux propositions alternatives, lune consistant à supprimer la première comparution en rendant exécutoire la convention temporaire réglant la situation des parties pendant la procédure, lautre tendant à permettre au juge de demander aux parties, lors de la première comparution, si elles souhaitaient renoncer au délai de réflexion.
Me Françoise Baqué de Zan a fait valoir que la disparition éventuelle du divorce pour faute porterait atteinte à la nature contractuelle du mariage, qui implique la faculté de rupture aux torts de la partie qui na par respecté les obligations nées du contrat. Observant que le temps est souvent un facteur dapaisement, elle a en revanche estimé nécessaire de simplifier le système de la passerelle, qui permet à une procédure contentieuse dêtre transformée en une procédure sur requête conjointe. Elle a souligné que dans un tel cas, lensemble de la procédure sur demande conjointe ne devrait pas être repris et sest prononcée pour une suppression du second alinéa de larticle 246 du code civil.
Me Baqué de Zan a ensuite remarqué quil nétait pas admissible que la procédure de divorce soit traitée avec une relative rapidité, tandis que la liquidation du régime matrimonial pouvait attendre des années. Indiquant que larticle 1146 du code de procédure civile permettait au juge de demander à un notaire délaborer un projet de liquidation, elle a estimé que cette procédure était trop peu utilisée et a jugé souhaitable que le juge ait cette faculté au stade des mesures provisoires.
A propos de la prestation compensatoire, Me Françoise Baqué de Zan a exprimé la crainte que la révision ouverte par le Sénat en cas de changement substantiel conduise à une multiplication des contentieux et a souligné quune réforme de la prestation devrait surtout consister à faciliter le versement de cette indemnité en capital. Elle sest déclarée favorable à une réduction à trois ans du délai nécessaire avant le prononcé dun divorce pour rupture de la vie commune. Elle a estimé que lintroduction dun divorce pour cause objective était nécessaire et que la procédure de divorce sur demande acceptée pourrait servir de base à un tel divorce.
Évoquant les obligations alimentaires, Me Françoise Baqué de Zan a souligné la persistance de nombreux contentieux en matière de paiement des pensions alimentaires et a fait valoir que les avocats et les magistrats étaient trop souvent sollicités pour des contentieux liés au recouvrement public des pensions alimentaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité savoir si la conférence des Bâtonniers était dans son ensemble hostile à lélargissement des possibilités de révision de la prestation compensatoire.
M. Jacques Larché, président a indiqué que la commission des Lois avait largement débattu sur la question de la prestation compensatoire et sétait arrêtée sur la formulation qui lui avait paru la moins mauvaise à ce stade. Il a rappelé que les propositions faites par la commission des Lois pour favoriser fiscalement le versement de la prestation compensatoire sétaient heurtées à larticle 40 de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest a fait valoir quil était impossible de ne rien faire, compte tenu des graves injustices que provoquait la difficulté de la révision des prestations compensatoires.
Me Françoise Baqué de Zan a indiqué que les positions quelle défendait étaient celles de la commission consultative sur le droit de la famille de la conférence des Bâtonniers. Elle a reconnu que toutes les conséquences de la loi de 1975 en matière de prestation compensatoire navaient pas été mesurées et quune adaptation simposait.
**La commission a ensuite procédé à laudition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
Accueillant le Garde des sceaux, M. Jacques Larché, président, lui a indiqué que trois questions essentielles ressortaient des auditions auxquelles la commission des lois avait procédé.
En premier lieu, faisant valoir la nécessité dune vue assez globale en matière de droit de la famille, il a mis en avant le problème de la réforme du droit des successions. En second lieu, il a fait observer que le droit du divorce suscitait des propositions portant sur le contenu même des procédures et allant de simples aménagements jusquà la remise en cause de la loi de 1975. Il a noté le problème posé par la déjudiciarisation éventuelle de la décision de divorce. Enfin, il a fait état des réflexions concernant le contenu et les conséquences dun éventuel pacte dintérêt commun.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout dabord tenu à souligner tout lintérêt quelle portait aux initiatives parlementaires concernant un sujet de société aussi sensible pour lequel la confrontation des points de vue lui apparaissait particulièrement souhaitable. Rappelant que le Gouvernement avait confié une mission de réflexion à Mmes Théry et André sur le droit de la famille, elle a précisé que des propositions seraient présentées dans le courant de lannée prochaine.
Jugeant nécessaire dévaluer la situation actuelle de la famille, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré quil fallait éviter les schémas simplistes opposant les défenseurs des droits de la famille aux défenseurs des droits des individus. Elle a souligné que la famille nétait pas une simple juxtaposition dindividus, mais quelle constituait le lieu symbolique où se construisaient les rapports sociaux. Elle a également jugé nécessaire de prendre en compte les réflexions européennes et internationales sur le droit de la famille.
Faisant observer que la famille était plus quune simple affaire privée ou contractuelle, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné quelle était également le lieu des rapports entre les générations, entre les sexes et quelle mettait en cause les notions dautorité et de liberté. Elle a relevé que la famille était une institution sociale saisie par le droit.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré que le législateur qui était en charge de la régulation du droit de la famille devait également prendre en compte la symbolique sociale de celle-ci ainsi que les sentiments et les identités qui se construisaient à partir delle. Elle a estimé que les concepts juridiques devaient à la fois articuler des notions intemporelles et restituer ces notions dans une histoire qui nétait elle-même pas figée.
Faisant valoir que la situation des familles était complexe, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a jugé nécessaire de ne pas retenir une perspective de déclin qui aboutirait à considérer que la restauration de la situation ancienne constituait la seule issue. Elle a au contraire plaidé pour une approche consistant à reconnaître que la famille demeurait mais dans des formes qui évoluaient. Elle a constaté quil fallait toujours deux êtres humains de sexes différents pour quun enfant naisse et que celui-ci devrait, quoi quil arrive, savoir quil a un père et une mère qui exercent à son égard des responsabilités différentes de celles des autres adultes.
Puis, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait observer que la notion de couple était de plus en plus forte, ce qui avait pour conséquences, dune part, de mettre en avant la notion de vie à deux et non plus le fait que le couple était constitué en vue dassurer une descendance, dautre part, la recherche dune égalité de plus en plus marquée entre les hommes et les femmes. Elle a également souligné les préoccupations concernant les droits du conjoint survivant ainsi que la demande dun statut juridique pour les personnes ayant une vie commune en dehors des liens du mariage.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné quon assistait par ailleurs à lémergence de lenfant comme personnalité autonome au sein de la famille, ce que traduisait notamment la convention de lOrganisation des Nations Unies de 1989.
Faisant valoir que le législateur devait accompagner ces évolutions, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que la croyance dans les vertus de la famille était ancrée dans la population et quil sagissait donc de refonder la famille en adaptant et non pas en bouleversant le cadre juridique en vigueur. Elle a estimé que cette rénovation législative devait en premier lieu être conduite à partir de laffirmation de la volonté du couple, ce qui impliquait de reconnaître une place essentielle à la liberté et à la volonté individuelles.
Sagissant de la vie matrimoniale, après avoir noté lattachement des Français au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ainsi quà laccomplissement à deux des actes essentiels de la vie du ménage, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, sest interrogée sur lidée dune plus grande autonomie du couple dans le choix du régime matrimonial. Elle a envisagé notamment la suppression de lobligation dhomologation judiciaire déjà prévue par la convention de La Haye pour les couples comportant un élément dextranéïté.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, après avoir relevé que 53 % des divorces avaient été prononcés par requêtes conjointes en 1994, a fait observer que le divorce était trop souvent perçu comme cher, long et psychologiquement éprouvant. Rappelant ensuite les différentes propositions présentées sur cette question, elle a noté lexistence dun certain consensus sur lidée dune simplification des procédures et souligné lintérêt dun recours plus grand aux médiations familiales.
Sagissant de lidée de mettre en place une nouvelle procédure de divorce qui ferait intervenir un notaire ou un officier détat civil, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que cette procédure ne ferait pas perdre au mariage son caractère institutionnel même si cette question méritait dêtre posée. Elle a en outre relevé quelle permettrait au couple de réfléchir lui-même sur la question du divorce sans lintervention dun tiers. Elle a estimé quil était souhaitable de distinguer laccès au droit de laccès au juge, distinction qui serait un axe essentiel de la prochaine réforme de la justice. Elle a néanmoins fait valoir quune nouvelle procédure simplifiée de divorce soulevait un certain nombre de questions qui devraient être résolues, notamment le maintien de la possibilité de sadresser au juge, la nécessité déviter des distorsions entre les demandeurs selon leur niveau de ressources, ainsi que le risque de désavantager lun des deux époux.
Evoquant par ailleurs la suggestion de remplacer le divorce pour faute par la simple preuve dune séparation de fait, Mme le garde des sceaux sest interrogée sur le point de savoir si les procédures actuelles navaient pas pour effet daccentuer les difficultés au sein du couple.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a jugé nécessaire daménager la rupture du lien matrimonial au plan financier en faisant bénéficier les époux de règles plus simples et de procédures moins longues permettant de solder définitivement la situation au moment du divorce.
Après avoir jugé souhaitable dinciter à chaque fois que cela était possible à un versement en capital, elle a fait observer que les débats en cours sur une réforme de la prestation compensatoire devaient se poursuivre afin de permettre lémergence de solutions satisfaisantes, à la fois pour les intéressés et, sagissant du régime fiscal, pour les finances publiques. Elle a appelé à aborder avec circonspection la révision, dont elle a admis la nécessité de lassouplir, la transmission aux héritiers et le caractère viager.
En ce qui concerne le règlement successoral, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a plaidé pour des règles de dévolution plus simples. Elle a souligné que les droits du conjoint survivant posaient des questions importantes, dans la mesure où celui-ci nest pas un héritier réservataire et na un droit dusufruit que sur le quart de la succession. Elle a jugé nécessaire de renforcer la volonté individuelle, tout en prenant en compte le fait que le conjoint survivant nétait pas toujours le seul conjoint et le parent de tous les enfants. Elle a également souligné quune réflexion serait nécessaire sur les conséquences attachées à loctroi dun usufruit.
Abordant la situation des couples non mariés, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait observer que le concubinage, qui concernait désormais 20 % des couples, avait des effets limités et quen outre il ne pouvait bénéficier quaux couples hétérosexuels. Elle a relevé la revendication homosexuelle qui tendait à une prise en compte juridique de la réalité sociale du couple homosexuel par une plus grande place accordée à la volonté individuelle. Elle a néanmoins indiqué quelle nenvisageait pas de proposer une législation spécifique pour ces couples.
Énonçant différentes pistes de réflexion, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir que la création dun statut du concubinage qui aboutirait à sa reconnaissance sociale par la création dun nouveau contrat dans le code civil paraissait difficilement envisageable car ce statut aboutirait à redéfinir linstitution du mariage. Elle a évoqué la possibilité de permettre au couple de régler les questions patrimoniales qui se posaient dans la vie commune, par la constitution dun pacte ou dun contrat dunion civile. Elle a enfin relevé la solution consistant à résoudre les questions patrimoniales qui se posaient dans la vie quotidienne des couples, par exemple en matière de logement, par des législations sectorielles. Enfin, elle a jugé possible de coordonner ces différentes pistes de réflexion.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé que lenfant était devenu progressivement un sujet de droit, mais que son autonomie progressive jusquà sa majorité devait être accompagnée dune protection spéciale. Elle a notamment considéré quil ne saurait être question dabaisser la majorité pénale ce qui serait contraire à la consécration de la responsabilité des parents et que lenfant devait bénéficier dune protection de son identité et de son éducation conjointe par ses deux parents tant sur le plan moral que matériel.
Elle a estimé que lenfant devait bénéficier dune filiation établie et stable.
Concernant létablissement de la filiation naturelle qui fait lobjet de certaines critiques, elle sest demandée sil fallait maintenir le principe dune reconnaissance maternelle, compte tenu des engagements internationaux de la France et quels moyens permettraient dinformer les couples non mariés et dassurer linformation réciproque des parents en labsence de reconnaissance simultanée.
Elle a considéré cependant que la question principale restait la détermination du droit pour lenfant à la connaissance de ses origines quand la filiation biologique na pas été établie. Elle a rappelé que ce droit, reconnu de manière nuancée par larticle 7-1 de la convention internationale sur les droits de lenfant, pouvait se heurter au principe du respect de la vie privée dans les cas de demande par la mère du secret de laccouchement, de procréation médicalement assistée et dabandon anonyme dun enfant par des parents ayant demandé le secret de leur identité. Elle sest interrogée sur la possibilité, dans la ligne des propositions faites par le Conseil dEtat dès 1990, dinstituer un mécanisme permettant de rapprocher un enfant en quête de ses origines de ses parents ayant souhaité garder lanonymat.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé quil convenait dassurer la stabilité du lien de filiation, en essayant de limiter les possibilités de contestation dun lien établi, tels le désaveu de paternité légitime, la contestation par la mère de la paternité du mari, la contestation de la filiation dun enfant légitime qui a une possession détat non conforme à son titre de naissance et la contestation de reconnaissance dun enfant naturel. Elle a rappelé que certaines actions pouvaient être exercées pendant 30 ans et que lauteur dune reconnaissance mensongère pouvait la contester lui-même pendant 10 ans, alors même que la reconnaissance dun enfant laurait inséré dans une chaîne de générations. Elle a considéré quil convenait de concilier vérité, parole et stabilité.
Observant que le développement des ruptures familiales entraînait une fragilisation supplémentaire du lien de filiation, elle sest demandée sil ne fallait pas envisager la filiation indépendamment de la situation des parents.
Constatant que notre législation ainsi que la convention sur les droits de lenfant prévoyaient lexercice conjoint de lautorité parentale, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a cependant noté que des difficultés subsistaient. Concernant les familles naturelles, elle sest demandée sil ne fallait pas abandonner les conditions qui permettaient que lautorité parentale soit exercée de plein droit, à savoir la reconnaissance de lenfant avant lâge dun an et la cohabitation des parents lors de la reconnaissance. A propos des parents séparés, elle a rappelé la dénonciation par les pères de la fixation quasi-automatique de la résidence habituelle de lenfant chez la mère, cette critique devant être relativisée en raison du faible nombre de pères qui demandaient le bénéfice de cette fixation. Elle sest également interrogée sur la validité de la résidence alternée et sur la possibilité dévolution de la résidence en fonction de lâge de lenfant. Elle a noté que lexercice conjoint de lautorité parentale se heurtait à des difficultés pratiques dans les actes de la vie quotidienne, tels les rapports du parent qui na pas la garde avec les établissements scolaires accueillant lenfant. Elle sest demandée sil ne faudrait pas déterminer un droit des tiers responsables de lenfant au quotidien dans les familles recomposées.
Concernant les pensions alimentaires, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, sest interrogée sur la possibilité den déjudiciariser la fixation par le recours à des barèmes et a souhaité lamélioration des mécanismes de recouvrement.
M. Jacques Larché, président, sest félicité du fait que la conception de la famille développée par Mme Guigou rejoigne celle de la commission des Lois concernant le souci de la pérennité de la cellule familiale. Il a considéré que les questions quelle avait posées nétaient pas de nature à bouleverser létat de notre droit mais quil serait difficile de passer dun stade de réflexion à une mise en forme juridique des réformes.
M. José Balarello a posé la question de la préservation des droits des tiers en cas de changement de régime matrimonial et a jugé quil était très difficile de passer, en matière de divorce, dune logique de guerre à une logique de conciliation, du fait de la psychologie des parties.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest qui sest interrogé sur les réponses à apporter contre la délinquance de plus en plus précoce des mineurs, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé quelle ne souhaitait pas un abaissement de la majorité pénale mais quelle ne sous-estimait pas pour autant la gravité du problème et la nécessité dy apporter des réponses. Elle a rappelé quun groupe de travail avait été constitué sur le sujet au sein du ministère de la justice et que le rapport de deux députés était attendu.
M. Jacques Larché, président, a convié Mme le garde des sceaux à participer à une journée dauditions publiques que la commission des Lois prévoyait dorganiser en liaison avec la commission des affaires sociales sur le problème des mineurs délinquants.