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LA DEJUDICIARISATION

en débat au NMCP

 

Le 23 novembre 1995 s'est tenu au local du NMCP un débat entre adhérents sur la notion de "déjudiciarisation". Nous présentons ici un aperçu synthétique de la teneur des principaux arguments échangés.

Pourquoi ce débat ?

La "déjudiciarisation" ("DEJU" pour les intimes) est un terme qu'on utilise au NMCP depuis des années et pourtant une discussion a semblé nécessaire.

Certes, le mot est tortueux à prononcer et bien des nouveaux adhérents doivent le marmonner des semaines dans les coins sombres avant de le parler couramment ; mais, les médias aidant, d'autres vocables tarabiscotés sont bien passés dans l'usage, tels que "dénucléarisation", "dédramatisation", etc. Plus que sur la forme, le débat porte donc sur le contenu, voire sur l'adéquation entre forme et contenu.

En effet, il était apparu que :

Au départ, bien sûr, un constat commun :

Dans les conditions actuelles des séparations conjugales, les relations pères/enfants ressortent très généralement atrocement mutilées du passage par la moulinette judiciaire.

Il y a un "enjeu terrible : celui de la résidence principale" et l'on va "soit tout gagner, soit tout perdre". Dans l'écrasante majorité des cas, les pères perdent et sont donc condamnés à divorcer de leurs enfants, en même temps que de leur conjoint.

A partir de quoi le débat se noua ainsi :

Pour préserver des relations affectives, et donc des relations tout court, équilibrées, entre parents et enfants dans les séparations conjugales :

 

Nous avons regroupé, ci-dessous en deux blocs, les principaux arguments échangés au cours de la soirée.

"AVANT TOUT, BEAUCOUP MOINS DE JUDICIAIRE"

Mais d'abord, un participant tente une définition de la déjudiciarisation :

 "Processus tendant à promouvoir un règlement des conflits en évitant le recours à l'appareil judiciaire".

Pourquoi cette démarche ?

Au-delà d'une réponse éthique ("le recours au juge déresponsabilise les individus"), les raisons avancées incriminent soit le caractère pervers, soit l'inefficacité du recours judiciaire. Caractère pervers parce que les acteurs judiciaires (avocat, juge) interviennent dans le cadre d'une "bataille judiciaire" où il faut, par construction, un "vainqueur" et donc un "vaincu" , ce qui contribue à durcir le conflit au lieu de pousser à un accord, avec toutes les conséquences qui en découlent, en général, sur les relations après jugement (chantage du parent vainqueur - la mère en général - sur les droits de visite du "vaincu", contentieux à répétition...). L'histoire du divorce, marquée dans notre pays durant plus d'un siècle par la notion de "faute", n'est pas étrangère à cela.

 Inefficacité, car les juges n'ont pas le temps de "travailler" le conflit avec les parties, en vue de construire une solution adaptée à chaque cas qui est toujours particulier. D'où le "placage" des solutions stéréotypées qui conduisent à des insatisfactions et qui nourrissent ici encore des contentieux à rebondissement et nourrissent aussi, il faut bien le dire, les professionnels du judiciaire ! Cependant, certains de ces professionnels eux-mêmes cherchent à orienter les "adversaires" vers des voies autres que celles du conflit judiciaire.

Comment éviter le judiciaire ?

Le recours à la médiation familiale a été reconnu par tous les participants au débat comme le cœur d'un dispositif non-judiciaire de résolution des conflits conjugaux.

D'autres propositions ont été défendues :

 

Mais, si malgré tout, après avoir "allongé le chemin" jusqu'à lui ou arrivé avant même chez le juge, du fait du caractère irréductible du conflit ?

"SURTOUT UNE JUSTICE JUSTE"

La justice actuelle dans notre pays est terriblement injuste pour les pères. Or, ont fait remarquer des participants au débat, le "contournement" de l'appareil judiciaire par la déjudiciarisation peut se révéler cruellement insuffisant.

Il faut une autre justice qui soit juste envers les pères.

Dans l'état actuel des textes juridiques, comme des pratiques et des acteurs judiciaires, une mère qui veut évincer le père de la vie de leurs enfants, lors d'une séparation, a toutes les chances, en déclenchant une procédure, d'obtenir "en justice" un arbitrage en sa faveur : pourquoi s'en priverait-elle ?

En l'absence de redéfinition des droits et des pratiques judiciaires, une démarche intéressante, comme la médiation familiale, risque donc d'être confinée aux seuls cas où, non seulement au départ, la mère est de bonne volonté, mais encore où elle refuse les facilités qui lui sont assurées par le modèle dominant.

Ici comme ailleurs dans d'autres domaines, au sein des Etats de droit, l'équilibre et le respect des contrats précis doit s'appuyer sur le "garde-fou" indispensable d'un système juridique et judiciaire, lui-même équilibré et complet.

Il importe donc d'ouvrir (d'urgence) le "chantier de la justice familiale", suivant un mot d'ordre avancé par le NMCP.

Accélérer et radicaliser les évolutions en cours, sans céder à des effets de mode pervers.

La justice peut évoluer : voir la reconnaissance (tardive !) du divorce par consentement mutuel et l'affirmation (encore plus tardive !) du principe de l'autorité parentale conjointe en cas de divorce.

Il faut aller plus loin et imposer le principe d'un partage égal de la vie quotidienne, entre les relations mère-enfants et père-enfants, dans le respect des enfants, ce qui implique de définir un cadre psychologiquement solide, ouvert à des aménagements spécifiques.

Dans le même sens, le fait pour un parent dominant de pratiquer l'obstruction à l'égard des relations entre l'enfant et l'autre parent devrait être sanctionné plus sévèrement.

En revanche, on ne peut que s'opposer, dans la plupart des cas, à l'audition judiciaire des enfants, source de malaises psychologiques profonds chez ceux-ci, et occasion de toutes les pressions possibles sur eux de la part du parent (c'est à dire actuellement la mère, dans la majorité des cas) à qui a été confié l'hébergement dans les phases antérieures de la procédure.

 CONCLUSION

 Alors, "moins de judiciaire" ou "une justice juste" ? On peut répondre "les deux, mon général !"... à condition de creuser encore la nécessaire articulation entre les deux combats et de ne pas "s'emmêler les pinceaux" dans les actions au jour le jour.